lundi 22 septembre 2014

Production du riz en Afrique: L’idéal pour partir à l’assaut de la faim

Quelle est la meilleure stratégie de commercialisation du riz local auprès des consommateurs africains ? Tant qu’on sait que les importations augmentent en même temps que la production. Des solutions sont envisagées pour résoudre le paradoxe.

Un groupe de rizicultrices au Sud du Bénin (Source:24haubenin.info)

L’Afrique produit environ 12 millions de tonnes de riz chaque année et en importe autant ; malgré 70 % de terres non cultivées et une pluviométrie qui sont des atouts du continent. Le tiercé africain des importateurs de riz s’établit ainsi : Nigeria, Côte d’Ivoire, Sénégal. Le prix du riz connaît une inflation de l’ordre de 8  à 10 %. 

Le déficit de la production rizicole est estimé à 240 000 tonnes pour la campagne de commercialisation 2013-2014. «La riziculture est extrêmement importante pour la sécurité alimentaire en Afrique et elle est essentiellement conduite dans des exploitations familiales», explique Dr Adama Traoré, directeur général par intérim d’AfricaRice dont le siège est au Bénin. Cependant, quelque onze millions d’habitants, de la région du Sahel, sont encore victimes d’une grave insécurité alimentaire, selon l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

«Les crises alimentaires à répétition qui ont frappé le Sahel en 2005, 2008 et 2012 ont affaibli la capacité des populations pauvres de préserver ou de restaurer leurs moyens de subsistance», note Lamourdia Thiombiano, chef par intérim du Bureau régional de la FAO pour l’Afrique et du Bureau sous-régional pour l’Afrique de l’Ouest. 

Dans la perspective de réduire la faim et la pauvreté ; de conjurer de futures crises alimentaires dans la région du Sahel, les fonds de la communauté des donateurs pour soutenir l’agriculture doivent servir à fournir des semences de qualités, des engrais et de petits outils agricoles aux paysans, à améliorer le stockage, la transformation et le transport du riz sur le continent. Autant d’actions qui avaient favorisé l’augmentation de la production de riz de 8,4 % en moyenne en Afrique depuis 2007/2008, années des émeutes de la faim.

La révolution amorcée

La plupart des pays de l’Afrique au sud du Sahara comptent faire de la riziculture, un des piliers de la lutte contre l’insécurité alimentaire. Sur le chemin vers l’autosuffisance dans la production du riz d’ici 2020, l’Afrique a connu des avancées. Les organismes interétatiques ouest-africains notamment la Cedeao et l’Uemoa, s’engagent à impulser «une révolution» dans ce secteur stratégique. 

Au cours de la 29e réunion annuelle du Réseau de prévention des crises alimentaires au Sahel et en Afrique de l’Ouest (RPCA) en 2013, le commissaire chargé du département de la sécurité alimentaire, de l’agriculture de l’Uemoa, Ibrahima Diémé, a révélé que son organisme avait investi 492 milliards de FCFA, dans la sécurité alimentaire sous-régionale. Du côté de la Cedeao, on estime à 12,5 milliards de francs CFA la somme décaissée par la Commission pour l’année 2014 afin de constituer la réserve alimentaire. 

«L’offensive riz va rentrer dans sa phase de croisière», affirme le Dr Lapodini Marc Atouga, commissaire de la Cedeao à l’agriculture, l’environnement et les ressources en eau. La méthode consiste en la formation de groupes de 300 paysans. Elle a fait ses preuves en deux ans d’expérimentation en permettant à chaque campagne de dégager un surplus équivalent à 40 % de la production. « Si nous pouvons le faire dans les quinze États et avoir dix groupes de 300 personnes qui produisent du riz, j’espère que notre sous-région subira une révolution », rassure Dr Lapodini Marc Atouga.

Les efforts accomplis au niveau de chaque pays sont encourageants. La Côte d’Ivoire s’est dotée d’une stratégie nationale de développement de la riziculture évaluée à 672 milliards de francs CFA sur la période 2012 à 2020. Ce qui a entrainé une baisse de 30 %, l’année dernière, pour les importations rizicoles ivoiriennes. 

Aussi, du côté des riziculteurs, explique Thomas Kouadio-Tiacoh, président de l’Association nationale des riziculteurs de Côte d’Ivoire (Anarizci) : «Nous pouvons être autosuffisants et exportateurs en tenant compte du potentiel national avec une productivité qui va de 3 à 10 tonnes à l’hectare et en fonction des cycles. » Marcel Yao Kouakou, riziculteur ivoirien, a réussi à atteindre 8,5 tonnes à l’hectare. Le rendement moyen en Côte d’Ivoire étant de 3 à 4 tonnes à l’hectare.

Accroissement de la production

Au Bénin, Pascal Gbénou, riziculteur béninois et président du Cadre régional de concertation des producteurs de riz (Crcopr) - le groupe riz du réseau des organisations paysannes et des producteurs agricoles (Roppa) de l’Afrique de l’Ouest - relève la même tendance : «Il y a eu un accroissement de la production. À partir de 2008, il y a eu du soutien public à la riziculture. Nous, producteurs, nous sommes convaincus que si on nous apporte suffisamment de soutien, nous serons en mesure de nourrir les populations.»

Selon le Centre africain pour le riz (Africarice), la production africaine augmente de 8,5 % chaque année depuis 2007/2008, contre 3,5 % par le passé. «Le Suivi du marché de riz de la FAO (Smr) prévoit que l’Afrique produira cette année 2 % de plus que la récolte de l’année dernière », précise l’Assistant Directeur général à la FAO, Ren Wang.

Pour Dr David Arodokun, directeur général de l’Institut national pour la recherche agricole du Bénin (Inrab), il faut mettre l’accent sur les défis et contraintes majeurs auxquels fait face l’Afrique pour assurer une sécurité alimentaire à long terme. 

Il s’agit de la réduction substantielle des terres agricoles, des changements climatiques, de l’accroissement du nombre de consommateurs de riz et du phénomène d’urbanisation. « Le riz constitue la denrée essentielle pour l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire. Et les gouvernants doivent davantage investir dans les technologies et innovations technologiques pour le développement des «Tech hub», des plates-formes multi-acteurs de développement du secteur rizicole », souligne Dr David Arodokun.
Selon Dr Marco Wopereis, directeur général adjoint d’AfricaRice, il est urgent d’accélérer la livraison des produits de la recherche rizicole aux petits producteurs et aux autres acteurs de la chaîne de valeur du riz tels que les usiniers, les transformateurs et les consommateurs de riz.

Le chemin est encore long vers cette autosuffisance que les pays africains appellent de leurs vœux. Si le riz est la première céréale consommée par les populations, la production nationale couvre à peine la moitié de leurs besoins. Il est donc nécessaire et urgent de construire des systèmes d’innovations technologiques orientés vers l’agriculture moderne.
Ainsi l’Afrique parviendra-t-elle à la révolution verte pour nourrir sa population. Pour l’ancien directeur général d’AfricaRice et actuel ministre de l’Agriculture du Sénégal, Dr Papa Abdoulaye Seck, «l’indépendance alimentaire est la première des indépendances. Et si l’Afrique ne peut pas nourrir l’Africain alors elle n’est pas indépendante».


Par Mikaïla ISSA