Quelle
est la meilleure stratégie de commercialisation du riz local auprès des
consommateurs africains ? Tant qu’on sait que les importations augmentent en
même temps que la production. Des solutions sont envisagées pour résoudre le
paradoxe.
Un groupe de rizicultrices au Sud du Bénin (Source:24haubenin.info)
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L’Afrique
produit environ 12 millions de tonnes de riz chaque année et en importe autant ; malgré 70 %
de terres non cultivées et une pluviométrie qui sont des atouts du continent.
Le tiercé africain des importateurs de riz s’établit ainsi : Nigeria, Côte
d’Ivoire, Sénégal. Le prix du riz connaît une inflation de l’ordre de 8 à 10 %.
Le déficit de la production rizicole
est estimé à 240 000 tonnes pour la campagne de commercialisation 2013-2014.
«La riziculture est extrêmement importante pour la sécurité alimentaire en Afrique
et elle est essentiellement conduite dans des exploitations familiales»,
explique Dr Adama Traoré, directeur général par intérim d’AfricaRice dont le
siège est au Bénin. Cependant, quelque onze millions d’habitants, de la région
du Sahel, sont encore victimes d’une grave insécurité alimentaire, selon
l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
«Les crises alimentaires à répétition qui ont
frappé le Sahel en 2005, 2008 et 2012 ont affaibli la capacité des populations pauvres
de préserver ou de restaurer leurs moyens de subsistance», note Lamourdia
Thiombiano, chef par intérim du Bureau régional de la FAO pour l’Afrique et du
Bureau sous-régional pour l’Afrique de l’Ouest.
Dans la perspective de réduire
la faim et la pauvreté ; de conjurer de futures crises alimentaires dans la
région du Sahel, les fonds de la communauté des donateurs pour soutenir
l’agriculture doivent servir à fournir des semences de qualités, des engrais et
de petits outils agricoles aux paysans, à améliorer le stockage, la
transformation et le transport du riz sur le continent. Autant d’actions qui
avaient favorisé l’augmentation de la production de riz de 8,4 % en moyenne en
Afrique depuis 2007/2008, années des émeutes de la faim.
La révolution amorcée
La
plupart des pays de l’Afrique au sud du Sahara comptent faire de la
riziculture, un des piliers de la lutte contre l’insécurité alimentaire. Sur le
chemin vers l’autosuffisance dans la production du riz d’ici 2020, l’Afrique a
connu des avancées. Les organismes interétatiques ouest-africains notamment la
Cedeao et l’Uemoa, s’engagent à impulser «une révolution» dans ce secteur
stratégique.
Au cours de la 29e réunion annuelle du Réseau de prévention des
crises alimentaires au Sahel et en Afrique de l’Ouest (RPCA) en 2013, le
commissaire chargé du département de la sécurité alimentaire, de l’agriculture
de l’Uemoa, Ibrahima Diémé, a révélé que son organisme avait investi 492
milliards de FCFA, dans la sécurité alimentaire sous-régionale. Du côté de la
Cedeao, on estime à 12,5 milliards de francs CFA la somme décaissée par la
Commission pour l’année 2014 afin de constituer la réserve alimentaire.
«L’offensive riz va rentrer dans sa phase de croisière», affirme le Dr Lapodini
Marc Atouga, commissaire de la Cedeao à l’agriculture, l’environnement et les
ressources en eau. La méthode consiste en la formation de groupes de 300
paysans. Elle a fait ses preuves en deux ans d’expérimentation en permettant à
chaque campagne de dégager un surplus équivalent à 40 % de la production. « Si
nous pouvons le faire dans les quinze États et avoir dix groupes de 300
personnes qui produisent du riz, j’espère que notre sous-région subira une
révolution », rassure Dr Lapodini Marc Atouga.
Les
efforts accomplis au niveau de chaque pays sont encourageants. La Côte d’Ivoire
s’est dotée d’une stratégie nationale de développement de la riziculture
évaluée à 672 milliards de francs CFA sur la période 2012 à 2020. Ce qui a
entrainé une baisse de 30 %, l’année dernière, pour les importations rizicoles
ivoiriennes.
Aussi, du côté des riziculteurs, explique Thomas Kouadio-Tiacoh,
président de l’Association nationale des riziculteurs de Côte d’Ivoire
(Anarizci) : «Nous pouvons être autosuffisants et exportateurs en tenant compte
du potentiel national avec une productivité qui va de 3 à 10 tonnes à l’hectare
et en fonction des cycles. » Marcel Yao Kouakou, riziculteur ivoirien, a réussi
à atteindre 8,5 tonnes à l’hectare. Le rendement moyen en Côte d’Ivoire étant
de 3 à 4 tonnes à l’hectare.
Accroissement de la production
Au
Bénin, Pascal Gbénou, riziculteur béninois et président du Cadre régional de
concertation des producteurs de riz (Crcopr) - le groupe riz du réseau des
organisations paysannes et des producteurs agricoles (Roppa) de l’Afrique de
l’Ouest - relève la même tendance : «Il y a eu un accroissement de la
production. À partir de 2008, il y a eu du soutien public à la riziculture.
Nous, producteurs, nous sommes convaincus que si on nous apporte suffisamment
de soutien, nous serons en mesure de nourrir les populations.»
Selon
le Centre africain pour le riz (Africarice), la production africaine augmente
de 8,5 % chaque année depuis 2007/2008, contre 3,5 % par le passé. «Le Suivi du
marché de riz de la FAO (Smr) prévoit que l’Afrique produira cette année 2 % de
plus que la récolte de l’année dernière », précise l’Assistant Directeur
général à la FAO, Ren Wang.
Pour
Dr David Arodokun, directeur général de l’Institut national pour la recherche
agricole du Bénin (Inrab), il faut mettre l’accent sur les défis et contraintes
majeurs auxquels fait face l’Afrique pour assurer une sécurité alimentaire à
long terme.
Il s’agit de la réduction substantielle des terres agricoles, des
changements climatiques, de l’accroissement du nombre de consommateurs de riz
et du phénomène d’urbanisation. « Le riz constitue la denrée essentielle pour
l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire. Et les gouvernants doivent
davantage investir dans les technologies et innovations technologiques pour le
développement des «Tech hub», des plates-formes multi-acteurs de développement
du secteur rizicole », souligne Dr David Arodokun.
Selon Dr Marco Wopereis,
directeur général adjoint d’AfricaRice, il est urgent d’accélérer la livraison
des produits de la recherche rizicole aux petits producteurs et aux autres acteurs
de la chaîne de valeur du riz tels que les usiniers, les transformateurs et les
consommateurs de riz.
Le chemin est encore long vers cette autosuffisance que les pays africains appellent de leurs vœux. Si le riz est la première céréale consommée par les populations, la production nationale couvre à peine la moitié de leurs besoins. Il est donc nécessaire et urgent de construire des systèmes d’innovations technologiques orientés vers l’agriculture moderne.
Le chemin est encore long vers cette autosuffisance que les pays africains appellent de leurs vœux. Si le riz est la première céréale consommée par les populations, la production nationale couvre à peine la moitié de leurs besoins. Il est donc nécessaire et urgent de construire des systèmes d’innovations technologiques orientés vers l’agriculture moderne.
Ainsi l’Afrique parviendra-t-elle à la révolution verte pour nourrir sa population. Pour l’ancien directeur général d’AfricaRice et actuel ministre de l’Agriculture du Sénégal, Dr Papa Abdoulaye Seck, «l’indépendance alimentaire est la première des indépendances. Et si l’Afrique ne peut pas nourrir l’Africain alors elle n’est pas indépendante».
Par Mikaïla ISSA